LES CHANSONS DES REPAS DE FAMILLE
LES CHANSONS DES REPAS DE FAMILLE
Les repas de famille marquaient bien-sûr les évènements heureux de la vie. Ils balisaient le temps comme des repères dans l’océan si proche. On ne se déplaçait guère. Tout se jouait dans l’espace restreint de Locmiquélic. Au plus loin , nous nous aventurions sur Port-Louis. Pour les mariages et communions, on prenait possession de la salle des fêtes ou du restaurant des Langoustines. Mais c’est dans l’intimité des maisons que les repas prenaient toutes leurs voilures.
Chez les uns, chez les autres, tout finissait en chansons. Les hommes avaient leurs répertoires bien à eux, des chansons apprises dans la marine ou héritées de leurs parents. Les femmes se limitaient à une ou deux rengaines plus connues, moins personnelles. Mon père maîtrisait parfaitement sept à huit complaintes que sa voix chaude habillait d’une touche bien sentie. Il chantait juste et fort . Tout le monde lui reconnaissait un talent établi par les années passées sur les navires de la Royale. Il y avait « Y’a des cailloux sur toutes les routes » comme autant de filles sur les chemins, un petit bijou de malices posé sur la route des matelots. On pourrait la reprendre sur un accompagnement électrique à vous donner le bourdon.. Et puis il y avait « Trafalguar de la Mouquère », qu’il avait dû ramener d’une rencontre avec des Légionnaires. Et les chants de marins comme « Johnny Palmer » et « Le maître à bord », deux solides ritournelles pathétiques, dramatiques à faire pleurer un capitaine en bordée. Si vous rajoutez « Les trois cloches » de Piaf et « Derrière les volets de la petite ville », Vous aviez là le fonds de commerce de son tour de chant. Mais j’allais oublier les quelques airs des opérettes d’avant guerre comme ceux du « Pays du sourire » ou de « L’auberge du cheval blanc ». J’ai enregistré ces chansons un après-midi dans la salle à manger, sans public, sans artifice. Il était comme gêné de les chanter pour moi, embarassé par le manque d’auditoire. Je n’écoute pas cette cassette car ces chansons restent en moi et le resteront toujours….. toujours.
Mes oncles ne pouvaient rivaliser avec lui mais André devenait émouvant dans son interprétation très personnelle du « Christ était en croix ». Le tonton de mon père, un autre André fasait un tabac avec « du gris que l’on prend dans ses doigts et qu’on roule » et surtout avec « Enfin j’ai une auto, enfin j’ai une auto – comme c’est merveilleux et comme ça roule », lui qui aimait tant farfouillé dans les moteurs. Jean Quéré, point culminant de l’émotion avec ce refrain chanté en chœur : « au mât hissons les voiles, le ciel est pur et beau, je vois briller l’étoile, guide du matelot. S’y entrecroisaient trois couplets dramatiques que Jean reprenait solennellement. Cette chanson là, c’était sa messe et son testament.
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