MON PERE
Mon père était de ce coin de terre accroché à la rade qui porte le nom de Pen-Mane. La montagne du fort truffée de blockhauss allemands est-il encore ce monticule magique, objet de nos expéditions d’enfants ?Du sommet, la vue sur la rade se conjugue la nuit tombante à la magie des lumières de Lorient et de ses trois ports.Le port de guerre peuplé des grands bateaux gris était de loin celui qui captivait nos imaginations débordantes. Nous vivions sans le savoir dans les vestiges de cette guerre si lointaine mais si proche. Les trous de bombe de la côte, invisibles à marée haute, nous devenaient des lieux maudits à marée basse. En contrebas de la rue Dominique Le Garff (mon grand-père ), je me souviens de cet après-midi où mon pére colmatait une plate. J’avais peut-être six ans, je pataugeais à côté dans les eaux montantes, le trou de bombe m’a entraîné dans un tourbillon d’écumes. Mon pére s’est blessé au pied pour m’arracher à la noyade. Notre vasière, notre plaine, ce terrain vague pour nos jeux, notre domaine d’amour .
Pen-Mane se ramasse au pied de la montagne du fort dans un fouillis de ruelles étroites, abritées des vents mauvais du large. Ma tante Jeanne y tenait café-épicerie. Je m’y vois encore dans la cuisine d’arrière bistrot où l’on buvait le coup, du rouge ou du café, famille et clients mélangés dans l’étrange impression du temps qui passe. Cette tante Jeanne avait épousé le frère de ma mère mais elle connaissait mon père depuis sa tendre enfance; ils avaient le même âge et ils étaient proches voisins. Dans ces années de l’après première-guerre mondiale, ils devaient jouer ensemble dans cet univers de vase si étrangement captivant. La famille de mon père menait la vie difficile des marins embarqués pour la pèche. Paul était l’ainé de trois garçons, fils de Thalie Mainguy et de Jean Gahinet . Autant André et Joseph étaient bagarreurs, autant Paul était doux et pacifique. Il a gardé cette non-violence en lui jusqu’à la fin de sa vie, acceptant l’épreuve de la maladie avec le sourire et la force de se battre.
De son enfance, peu de choses me sont revenues si ce n’est l’orange qu’il recevait comme unique cadeau le jour de Noel. Cette orange qu’il gardait précieusement plusieurs jours durant avant d’en savourer chaque morceau de paradis.
La mémé Thalie ne fréquentait pas les curés sans être pour autant du coté des laics, comme on disait alors. Elle naviguait dans une indifférence à tous ces clivages. Ces trois garçons fréquentaient les classes de l’école publique, cette école du diable tant redoutée par certains. Je ne sais comment Paul fit la connaissance du patronage des Légionnaires de Saint Michel, du patro mené tambour battant par un prêtre de la paroisse. Il pratiqua la gymnastique, apprit le clairon et la musique, joua dans l’équipe de football.
Le football et les Légionnaires, indissociables, unis pour le meilleur et pour le pire. En face c’était le peuleuleu, traduisez P.L.L, Patronage Laique Locmiquélic. Comme partout à l’époque. Chaque équipe avait son bistrot. Nous c’était chez Odile le quartier général, près de La Croix, Là d’où le car partait avec la clique. Chaque famille appartenait à l’un ou à l’autre. Le cousin Maurice c’était plutôt le peuleuleu, nous c’était les Légionnaires. Mais le dimanche on finissait par jouer aux boules, tous ensemble, chez Marie Levue.
Président, puis président d’honneur, les grands repas à l’école Saint-Michel finissaient toujours en chansons. Papa avait son répertoire : Les douces ...Derrière les volets de la petite ville...Les blés d’or...Les marines...Johnny Palmer...Le maître à bord... Les inédites...Y’a des cailloux sur toutes les routes ...Marie Paule et moi nous les connaissions par coeur, jusqu’aux plus subtiles intonations, jusqu’au plus court silence.
Tout se passait là, entre l’église et le presbytère, les écoles Saint Michel et Sainte Anne et le terrain de foot de L’Abbé Tréhin. Et le cimetière en face où il soufflait le clairon chaque onze novembre, planté devant le monument aux morts.
Plus loin la rade, encore elle, présente, vivante, pleine de paradis perdus. Au loin les vedettes indissiocables du paysage, sentinelles de nos rêves, balises de nos amours. La rade et sa vase , la rade et son odeur.
Pen-Mane se ramasse au pied de la montagne du fort dans un fouillis de ruelles étroites, abritées des vents mauvais du large. Ma tante Jeanne y tenait café-épicerie. Je m’y vois encore dans la cuisine d’arrière bistrot où l’on buvait le coup, du rouge ou du café, famille et clients mélangés dans l’étrange impression du temps qui passe. Cette tante Jeanne avait épousé le frère de ma mère mais elle connaissait mon père depuis sa tendre enfance; ils avaient le même âge et ils étaient proches voisins. Dans ces années de l’après première-guerre mondiale, ils devaient jouer ensemble dans cet univers de vase si étrangement captivant. La famille de mon père menait la vie difficile des marins embarqués pour la pèche. Paul était l’ainé de trois garçons, fils de Thalie Mainguy et de Jean Gahinet . Autant André et Joseph étaient bagarreurs, autant Paul était doux et pacifique. Il a gardé cette non-violence en lui jusqu’à la fin de sa vie, acceptant l’épreuve de la maladie avec le sourire et la force de se battre.
De son enfance, peu de choses me sont revenues si ce n’est l’orange qu’il recevait comme unique cadeau le jour de Noel. Cette orange qu’il gardait précieusement plusieurs jours durant avant d’en savourer chaque morceau de paradis.
La mémé Thalie ne fréquentait pas les curés sans être pour autant du coté des laics, comme on disait alors. Elle naviguait dans une indifférence à tous ces clivages. Ces trois garçons fréquentaient les classes de l’école publique, cette école du diable tant redoutée par certains. Je ne sais comment Paul fit la connaissance du patronage des Légionnaires de Saint Michel, du patro mené tambour battant par un prêtre de la paroisse. Il pratiqua la gymnastique, apprit le clairon et la musique, joua dans l’équipe de football.
Le football et les Légionnaires, indissociables, unis pour le meilleur et pour le pire. En face c’était le peuleuleu, traduisez P.L.L, Patronage Laique Locmiquélic. Comme partout à l’époque. Chaque équipe avait son bistrot. Nous c’était chez Odile le quartier général, près de La Croix, Là d’où le car partait avec la clique. Chaque famille appartenait à l’un ou à l’autre. Le cousin Maurice c’était plutôt le peuleuleu, nous c’était les Légionnaires. Mais le dimanche on finissait par jouer aux boules, tous ensemble, chez Marie Levue.
Président, puis président d’honneur, les grands repas à l’école Saint-Michel finissaient toujours en chansons. Papa avait son répertoire : Les douces ...Derrière les volets de la petite ville...Les blés d’or...Les marines...Johnny Palmer...Le maître à bord... Les inédites...Y’a des cailloux sur toutes les routes ...Marie Paule et moi nous les connaissions par coeur, jusqu’aux plus subtiles intonations, jusqu’au plus court silence.
Tout se passait là, entre l’église et le presbytère, les écoles Saint Michel et Sainte Anne et le terrain de foot de L’Abbé Tréhin. Et le cimetière en face où il soufflait le clairon chaque onze novembre, planté devant le monument aux morts.
Plus loin la rade, encore elle, présente, vivante, pleine de paradis perdus. Au loin les vedettes indissiocables du paysage, sentinelles de nos rêves, balises de nos amours. La rade et sa vase , la rade et son odeur.
(Photos : Mon père avec son éternelle casquette et ma grand mère avec la coiffe de LORIENT)
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